Johnny Thunders (1952-1991) , ou comment devenir et rester une légende sans se trahir (mais en mourant un peu tous les jours)

Publié le par Ben Astruc

                                   
           BORN BAD , BORN TOO LOOSE , BORN TO LOSE ... & ASK NO QUESTIONS PLEASE             

          JOHNNY THUNDERS (1952-1991)


    Il était une fois , au pays des punks ...  
 

         
  
Dans notre article d'introduction à notre nouveau site , nous vous avions chaudement conseillé d'acheter ou,mieux, de voler l'excellent coffret CD-DVD "Down To Kill" publié par Jungle . Voilà donc une petite séance de briefing destinée à ceux qui n'ont pas une vision très précise du parcours de ce grand monsieur de la contre-culture rock...

   De son vrai nom Johnny Genzale (ça ne s'invente pas !), né le 15 juillet 1952 dans le quartier populaire du Queens, ce sale gosse des ruelles de New-York, féru de base-ball et de rock'n'roll, habitué des fugues et des gardes-à-vue, va commencer, à à peine dix-huit ans, une improbable carrière de guitariste rock au sein d'un groupe de délinquants juvéniles, Actress, futurs New-York Dolls...
    Un géant alcoolique à la basse,  un exilé égyptien et un Mister Johnny Thunders déjà presque junkie aux guitares, un trublion fêtard aux fûts, le tout mené par un quasi sosie de Mick Jagger  aux vocals,  ainsi sont  les New York Dolls... Jusqu'au-boutistes et extrêmes en tout, c'est plus qu'un son qu'ils vont (très vite) imposer, mais une véritable attitude. Car leur image est toute aussi importante que leur musique, et dès leurs débuts, stars et journalistes se pressent à leurs concerts pour constater le renouveau du rock qu'ils incarnent.

   Malgré  une tendance à déglinguer tout ce qu'ils touchent, et  malgré la mort pas très claire de leur premier batteur Billy Murcia (remplacé par un certain Jerry Nolan, on y reviendra ...), le succès est au rendez-vous dès le premier album "New York Dolls" paru en 1973, année de ce qu'on commence à appeler  la renaissance du rock, rebond dont ils deviennent alors les fers-de-lance destroy. De blues traditionnels en ballades doo-woop, de rocks fièvreux en appels aux armes décuplés par la défonce et la violence sonore, les Dolls vont marquer une époque un peu tristounette qui se cherche de nouveaux frissons. Mais leur succès est tout autant lié à leur musique qu'à leur image : maquillés comme des poules des bas-fonds (mais pas gays pour autant...), ils perpétuent et développent une attitude toute en provocations que des gens comme Lou Reed, Alice Cooper ou David Bowie ont inaugurée dans les mois précédents. On parle alors de glam rock.

   En moins de cinq années d'existence et en seulement deux albums ("Too Much Too Soon" suit  en 74), c'est carrément une nouvelle voie que ces petits voyous ont ouverte dans la lignée du glam, celle du punk. Nouvelle mouvance dont ils auraient pu devenir un des groupes-phares. Mais, sans doute corrompue par l'abus de substances déconseillées par l'Ordre des Médecins, l'aventure tourne court : Thunders et Nolan, complètement en manque alors que le combo débute une tournée en Floride, décident de tout plaquer pour retourner s'approvisionner à New York. Nous sommes au printemps 1975 et c'est alors l'heure de sonner vraiment la charge punk .

   Thunders et son batteur et compagnon de défonce Nolan s'exilent finalement à Londres et forment alors (un temps avec l'ex-Television Richard Hell) the Junkies, vite rebaptisés Johnny Thunders & The Heartbreakers...


  Tout va alors aller aussi vite que les rythmiques nerveuses qu'ils balancent ...Tournées anglaises mouvementées (dont le fameux Anarchy Tour de décembre 76 avec les Sex Pistols, les Damned et the Clash), concerts écourtés voire annulés, surveillance accrue des autorités et descentes de flics, etc... Tous les scandaleux éléments sont là pour construire la légende rock . En mars 1977, deus concerts sont enregistrés au Speakeasy de Londres, mais il faudra attendre 1982 pour  savourer leur énergie sur disque (le très bon "D.T.K.", abrévation new-yorkaise de "Down To Kill")...
  Fin 77, à l'apogée du mouvement , ils publient après bien des tribulations ce qui restera leur excellent mais seul album studio: "L.A.M.F." ( de "Like A Mother Fucker", littéralement "Comme un enculé de sa race" ou quelque chose comme ça, sorte d'équivalent new-yorkais de notre "N.T.M."...), véritable shoot d'adrénaline pure et d'énergie rock'n'roll roots. Leurs singles "Chinese  Rocks" et "Born To Lose"(en fait "...Too Loose", ce qui en change quand même un peu le sens, mais bon...) sont tout autant excellement bien accueillis, autant par le public que par la critique...
    Mais le mixage accidentellement catastrophique de l'album, l'absence de réel management, et surtout la toxicomanie de plus en plus ingérable de Thunders et Nolan ont raison du groupe (pour l'instant...) : le médiocre résultat sonore de "L.A.M.F." ayant été mis sur le dos de Nolan, qui a été le dernier à travailler sur les bandes,  celui-ci prend très mal les accusations et claque la porte...
   Thunders est en tout cas déjà devenu une des premières icônes punks, mariant avec talent une attitude je-m'en-foutiste de perdant magnifique avec une véritable connaissance des immortels classiques du rock fifties .

    Début 1978, il tente de former une sorte de collectif rock, The Johnny Thunders All Stars Living Dead, dont la formation varie au gré des rencontres, des sympathies comme des engueulades.
On y croisera entre autres Paul Cook et Steve Jones (ex-Sex Pistols), Steve Nicol et Paul Gray (des Hot Rods), Patti Palladin (ex-Snatch), Peter Perrett et une partie de ses Only Ones...et même un certain Syd Vicious ( ! ), compagnon de défonce et pseudo-bassiste tellement mauvais que Thunders coupera discrètement l'alimentation de son ampli avant un des seuls gigs que les deux donneront ensemble... 
                                                                                
   Au printemps 78, le premier fruit de ces collaborations est l'excellent single  "Dead Or Alive"/ "Downtown". Et dans la foulée, Thunders et sa bande vont se mettre pendant trois semaines à l'enregistrement (épique) d'un premier album solo, "So Alone" (qui restera d'ailleurs le plus réussi  d'une discographie parfois inégale...).

   L'album contient de véritables réussites sur le plan mélodique : son futur classique "You Can't Put Your Arms Round A Memory ", "Untouchable", "Ask Me No Questions"(chantée en duo avec son désormais ami Peter Perrett ). Thunders en profite également pour laisser libre court à son amour des fifties avec ses impeccables reprises de "Pipeline", "Great Big Kiss" et "Daddy Rollin' Stone". Mais le rock'n'roll le plus sauvage est bien sûr là aussi avec "London Boys", sa réponse aux moqueries des Pistols, et "Leave Me Alone"(alias "Chatterbox"), qui avec les autres nouvelles interprètations de morceaux du temps des Dolls, "Subway Train" et surtout "Downtown", complètent le disque. Au final, un album irréprochable, duquel hélàs furent rejetées "Dead Or Alive", "Hurtin'"(la face B du second single), une reprise du "Wizard" de Marc Bolan et la fameuse chanson-titre (sans doute rejetée à cause de sa fin un peu abrupte, Thunders trop défoncé se cassant tout simplement la gueule sur la batterie...!). C'est d'ailleurs à cause de sa toxicomanie de plus en plus désastreuse que beaucoup des musiciens de l'album, excédés, vont préférer quitter l'aventure...                            

 
    Mais alors qu'on pourrait croire la carrière de Thunders lancée pour de bon, il n'en est rien. Le management n'est en rien une de ses spécialités. Et sa consommation toujours grandissante de stupéfiants n'arrange évidemment rien...

    Pourtant de nouveaux espoirs vont naître lors de sa rencontre avec Wayne Kramer, l'ancien MC-5 qui vient de subir quelques années de pénitentier pour trafic de coke... Un groupe, Gang War, est vite monté et commence à alterner séances de studio et concerts...Mais l'histoire tourne vite court elle aussi : Thunders se plaint de ne pas voir apparaitre son nom sur les affiches du groupe, tandis qu'il drague ouvertement l'ex-femme de Kramer, la photographe Marcia Resnick... Chez laquelle il s'installe bientôt (d'où toute une série de clichés dont certains deviendront célèbres, en particulier celui représentant Thunders le visage caché par un foulard, une seringue plantée dans son chapeau...). C'est en tout cas là la fin de l'intermède Gang War.

    Et la décennie qui va commencer, ces eighties de triste mémoire, ne va être tendre avec  personne. Johnny Thunders va pourtant la traverser avec un certain panache, modelant et affinant (un peu malgré lui) son personnage de junkie romantique, sorte d'équivalent punk de Keith Richards, au fur et à mesure de ses frasques et de ses disques ... De scandales en arrestations, de prestations live mythiques ou ratées (du genre "pardon, mais y a-t-il un médecin dans la salle?") en tentatives musicales pathétiques ou inoubliables, une poignée d'albums va sortir au fil des ans , peut-être pas tous inoubliables mais en tous cas tous emplis d'une irréprochable honnêteté qui à l'époque commence à dramatiquement faire défaut au rock... Car Johnny Thunders, l'homme tout autant que le personnage, est VRAI, et ses chansons, ses riffs et sa bad attitude ne sont en rien des artifices de carnaval tout juste destinés à émoustiller les ados qui pogottent à ses concerts...

   Thunders, qui a goûté un temps à la vie de famille (résultat : sa femme a fini par lever le camp avec leurs enfants...), retrouve peu à peu le chemin des studios et des petites scènes. En mars 82, invité à se produire en direct à la télévision suédoise, il rate complètement sa prestation, apparaissant très en retard, complètement ivre et les veines bourrées d'héro, il arrive à peine à tenir debout et à terminer les morceaux d'ailleurs désaccordés qu'il commence... et finit par tomber de la scène. La presse se fera ses choux gras de l'affaire, allant jusqu'à le qualifier de naufrage humain ... Ainsi Johnny Thunders devient-il pour la bien-pensante Scandinavie LE symbole des ravages de l'héroine...


   De retour à New-York, il rencontre un ancien producteur de cinéma, Christopher Giercke, un personnage aussi intéressant que souvent déroutant, qui devient son manager. Ainsi reprend-t-il les concerts et les séances d'enregistrement de façon beaucoup plus régulière... Un projet de film est même mis sur pied : Lech Kowalski, un jeune cinéaste new-yorkais veut entreprendre d'immortaliser le milieu punk-rock de l'époque... Et en particulier en filmant une représentation de Johnny Thunders sur une des scènes les plus pourries de la ville, parmi une foule des pires dégénérés nocturnes... Mais le film ne verra finalement jamais le jour (du moins dans une forme définitive, et il faudra attendre 2000 pour une sortie confidentielle en salles sous le titre "Born To Lose"), car Kowalski finira par tout simplement laisser tomber le projet, lassé de la nonchalance peu constructive des bandes de junkies avec lesquels il a essayé de travailler... La "bande originale" sera toutefois commercialisée, mais cinq ans plus tard, sous la forme d'un double album live, au demeurant excellent, "Stations  Of The Cross".


   
En attendant, "In Cold Blood"  et "The New Too Much Junkie Business" , tous deux enregistrés sur scène et en studio tout au long de cette année 1982, marquent à leur sortie début 83 un retour très remarqué sur le devant d'une scène rock en proie à une crise des plus graves, ce qui bien sûr joue naturellement en faveur de Thunders...

   La suite des évènements aurait alors pu se limiter à son inéxorable chute vers les abysses de la défonce (ce qui, hélas!, est de toute façon le cas, et à un point tel que sa survie tient souvent du miracle ). Mais chez Thunders, comme chez Burroughs, Trocchi ou Gainsbourg, came(s) et /ou alcool(s) ne sont pas le ridicule faire-valoir d'une sorte de condition d'artiste maudit , mais bel et bien un vrai boulet au pied dont la volonté n'est pas toujours suffisante pour s'en délivrer (d'ailleurs la volonté ne sera pas souvent à l'ordre du jour !). Car Thunders ne fait pas semblant... "It's Not Enough", "Chinese Rocks" (écrite avec les Ramones), "Too Much Junkie Business" (écrite par Walter Lure), "One Track Mind", "In Cold Blood"... Certaines chansons de son répertoire ne font pas de détails pour coller au mieux à la trop souvent sordide réalité d'un drug-addict , et pourtant c'est un mythe erroné, en tout cas déformé, qui va entourer Johnny T., celui, réducteur et trop romanesque, du junkie dandy ... Car derrière la réputation, c'est un gars souvent complètement perdu qu'on découvre, quelqu'un qui se protège derrière une façade d'incorrigible branleur. Mais comme souvent, la réalité est toute autre...Et à chaque diatribe punk de son répertoire répond en général un aveu d' inadaptibilité, presque de faiblesse ("I Only Wrote This Song For You" répondant  par exemple au très cru "Little Bit Of Whore", littéralement "J'suis Chiant Mais J'ai Besoin De Toi" en réponse à "Toutes Des Salopes" ...). Et c'est ainsi que le lo(o)ser provoquant en deviendrait presque touchant. Malgré ses lunettes noires, ses cuirs, ses cannettes et ses seringues...

 


  1983 est l'année d'une nouvelle tentative de groupe, Cosa Nostra, monté avec le français Henri-Paul Tortosa (déjà présent dans l'entourage de Thunders depuis "So Alone" et ses frasques narcotiques...), et ses anciens complices des Heartbreakers, Jerry Nolan et Bill Rath. Au printemps, les quatre entreprennent après une tournée française une visite de leurs fans scandinaves. Mais malgré le succès rencontré en Finlande, ils se heurtent à la frontière suèdoise aux autorités qui n'ont pas oublié l'épisode malheureux de l'année passée... Leurs visas leur sont  tout simplement refusés et la tournée nordique s'arrête là. Le "collectif" Cosa Nostra continue alors sa route vers les Pays-Bas, avant de triompher à la rentrée au Palace de Paris (avec un certain Richard Hell en inattendue guest-star pour une reprise de son "Blank Generation"). A l'automne, c'est cette fois sur la scène légendaire du Lyceum de Londres, puis en Allemagne et de nouveau en Grande-Bretagne, qu'ils déploient leur énergie. Leur show se partage à l'époque entre une partie purement électrique et très speedée et un set acoustique que Thunders assure seul. L'année se termine par une série de représentations au Gibus de Paris (qui devient alors un point de chute obligé pour Thunders et sa clique), où Thunders, cette fois accompagné par les Satanic Majesties, occupe la scène pendant pas moins de trois heures !

   Début 84, le label français New Rose publie l'inattendu "Hurt Me", album entièrement acoustique que Thunders a enregistré à l'automne précédent à Paris, pratiquement seul, disque qui évidemment va surprendre plus d'un fan...
  Entretemps, Thunders a  entrepris la difficile tâche de remixer avec l'aide de Tony James (ex-Generation X) les bandes du  "LAMF" de 77 qui souffrait de défauts sonores... En résulte ainsi "LAMF Revisited", très critiqué à sa sortie, alors que ses qualités sont pourtant indéniables : car même si certaines parties de voix et de guitares ont été rajoutées (et d'ailleurs souvent avec succès), l'album original devient enfin écoutable, et rien dans cette entreprise ne mérite cette levée de boucliers de la part de beaucoup de rock-critics (une profession de toute façon constituée de gens rarement satisfaits...).
   C'est ensuite l'inattendu épisode du tournage de "Mona Et Moi", second film de Patrick Grandperret, dont la réalisation ve s'étaler sur plusieurs années. Le scénario est centré sur les tribulations d'une petite bande de branleurs parisiens qui partagent leur vie entre magouilles, dope, désillusions et rêves de gloire rock... Thunders y joue son propre rôle (sous le nom de Johnny Valentine), et apporte son authenticité de rock'n'roller. Il n'a bien sûr pas vraiment à se forcer pour les caméras,  et il lui suffit de rester lui-même pour être crédible, puisqu'il est filmé dans ce qui n'est que sa vie quotidienne. Dope, embrouilles et improvisations... On croise également son combo du moment (Nolan, Rath et Henri-Paul), et surtout son inénarrable manager Christopher Giercke... Le résultat final dépassera en tout cas toutes les espérances à sa sortie en salles en 1989, et "Mona Et Moi" (futur prix Jean Vigo) va devenir un véritable film-culte des années 80. Et cette première expérience réussie va ravir Johnny T. (au point qu'il la renouvellera en 1989 avec le très underground "What About Me")...

   Puis c'est au printemps, enfin ! , la première reformation "officielle" en cinq ans des Heartbreakers originaux (même  si en fait il est déjà arrivé aux uns et aux autres de rejouer ensemble), et c'est ainsi l'occasion d'une inoubliable série de gigs londoniens sur la scène du Lyceum de Londres. Ce cher Thunders est étroitement surveillé par le reste du staff pour ne consommer que le strict minimum ( ? ) d'héroine avant les concerts (histoire surtout de ne pas les foutre en l'air, par exemple en s'évanouissant ou en fracassant un quidam au hasard...). Mais du coup, c'est complètement allumé à la  vodka-orange qu'il arrive sur scène... Les shows seront néammoins plus qu'excellents, comme d'ailleurs le disque "Live At The Lyceum Ballroom 1984" en témoignera quelques semaines plus tard...



   Thunders et ses comparses interchangeants passent ensuite l'été à écumer les clubs scandinaves, en particulier ceux de Suède, où son "Revenge Tour" (rapport aux réctions de l'affaire de mars 82) est couronné de succès.

   Pour cette seule année 84, Thunders seul en concert acoustique ou en groupe va se donner pas moins de quatre-vingt quinze fois en public à travers l' Europe, de l'Espagne jusqu'à la Russie !
    L'année suivante, alors en pleine tentative de désintoxication (encore...!), c'est presqu'à la demande des derniers amis qui lui restent qu'il va accepter de lâcher son canapé et ses cassettes VHS (une de ses nouvelles "passions") pour retrouver de nouveau le chemin des studios pour essayer d' y enregistrer un nouvel album...

   Mais "évidemment" de telles fréquentations ont tôt fait de le faire replonger dans un enfer quotidien de défonce. Qui d'ailleurs est de plus en plus glauque, l'époque a changé et Thunders tout autant : la recherche du plaisir a laissé la place à une réelle volonté d'auto-destruction... Et du coup, ces abus d'alcools et de drogues vont contribuer à faire de ce nouvel opus,"Que Sera Sera", un disque inégal, malgré pourtant d'excellents moments comme "Little Bit Of Whore", "M.I.A."ou "I Only Wrote This Song For You"... On regrettera aussi la surprenante mais bien piêtre tentative dub qu'est "Cool Operator"(du moins dans sa version album)... Mais heureusement les prestations scéniques de l'époque lui conservent son inaltérable image de rock'n'roller !



  Thunders et ses musiciens et compagnons de débauche passent alors toujours plus de temps sur les routes, donnant dans toute l'Europe des concerts parfois inégaux mais toujours en accord avec leur image destroy... Début 86, Thunders, accompagné de l'increvable Jerry Nolan, de l'excellent guitariste black Barry Jones et de Glen Matlock (des Sex Pistols) reviennent aux Etats-Unis pour huit semaines d'une tournée couronnée de succès. Leurs pérégrinations vont de nouveau les mener à travers toute l'Europe, pour une nouvelle série de shows baignant comme d'habitude dans un nuage de toxiques divers et variés... Dans les premiers jours de 1987, l'innénarrable Arthur "Killer" Kane remplace Matlock à la basse pour une série de représentations au Roxy Club de Los Angeles. C'est la dernière fois que trois ex-New York Dolls jouent ensemble sur la même scène (et d'ailleurs, ce seront ces trois mêmes ex-Dolls qui, dans les années suivantes, vont quitter ce monde...).  

   1987 voit la sortie d'un maxi-45 tours contenant une étonnante reprise de "Que Sera Sera" (qui aurait d'ailleurs dû se trouver deux ans plus tôt sur l'album éponyme, mais qui n'était resté qu'à l'état de vague projet). Les admirateurs de Hitchcock auront reconnu la vieille chanson populaire qui, interprétée par Doris Day, porte l'intrigue du film "L'Homme Qui En Savait Trop" (dans sa version de 1956). Thunders la reprend avec l'aide plutôt inattendue d'un choeur d'enfants ("délinquance juvénile", selon les notes de pochette). Le résultat est à mille lieues de son travail habituel, mais reste plein de charme...
  



                                                                   
    Avec "Copycats" (1988), enregistré sur presque un an et demi avec sa vieille complice Patti Palladin et uniquement composé de reprises blues , jazzy et R'n'B , les inattendues qualités de crooner de Mister Johnny Thunders font plutôt mouche, et c'est un autre visage du personnage qu'on découvre. Le single qui l'accompagne, "Born To Cry", est un succès tout aussi inattendu (on se souviendra du clip très  branleur-style ). Une tournée japonaise savamment  orchestrée permet alors de mettre un peu de beurre dans les épinards  (car contrairement aux idées reçues, toutes les rock-stars ne roulent pas sur l'or, et surtout celles issues du mouvement punk ), tout comme la parution début 90 de "Bootlegging The Bootleggers", qui comme son nom l'indique est une compilation de morceaux choisis parmi toute une flopée de disques pirates enregistrés illégalement pendant la deuxième moitié des années 80. Thunders, pour payer ses dopes et les chambres d'hôtel minables où il passe désormais le plus clair de son temps, tourne un peu au hasard des propositions qu'on veut bien lui faire, seul en acoustique, en duo (comme en Irlande), ou avec des groupes souvent improvisés... C'est toutefois bientôt l'époque d'un nouveau band plus régulier, The Oddballs, composé d'une poignée de branleurs et d'une crooneuse blondasse à la voix extraordinairement black roots, Alison Gordy...


                                                             (en backstage à Dublin, 1990)

 
   En avril 91, après une nouvelle tournée nipponne au cours de laquelle il apparait usé et fatigué
( personne ne le sait encore mais une méchante leucémie vient de se déclarer dans son organisme
trop souvent poussé à bout ) , Johnny Thunders, qui caresse l'espoir d'y enregistrer un nouvel album, s'envole pour la Nouvelle-Orléans. Mais pas plus tard que le lendemain de son arrivée, le personnel de l'hôtel louche où il est descendu découvre son corps sans vie lové sous la commode, au milieu d'un désordre innommable, et après une nuit des plus bruyantes... 2000 $, ses papiers et ses chaussures ont disparus, ainsi que des vêtements flambant neufs et sa réserve personnelle de méthadone pour les trois mois à venir, réserve sans laquelle il ne se déplaçait plus. Dans la cuvette des W.C. flotte une seringue. Une rapide autopsie ne sera pas suffisante pour lever le voile sur les circonstances de ce décès. Officiellement , Johnny Thunders serait donc  "mort comme il a vécu" , par conséquent d'overdose.. qu'elle ait été accidentelle ou provoquée... Hélas, le doute est peu permis quant aux circonstances de ce décès, et la police de la New-Orleans ne se démènera pas vraiment pour lever le voile sur le mystère entourant la mort de ce qui n'était pour eux qu'une rock-star défoncée de plus...

   Moins d'un an plus tard, c'est au tour du vieux complice Jerry Nolan de passer l'arme à gauche, des suites d'une pneumonie mal soignée. Evidemment, son style de vie n'aura pas été étranger à l'affaiblissement de son système immunitaire...
   Idem pour le géant Arthur "Killer" Kane, dont le décès "suit" en juillet 2004, après des années à lutter contre (lui-aussi) une saloperie de leucémie...
  
   Dans quelques jours, on va "célébrer" le quinzième anniversaire de la mort de Johnny Genzale...

   Et qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
   Bien sûr des disques, souvent excellents, toute une galerie de photos, de poses, qui sont autant d'invitations au pays du rock'n'roll... Mais aussi une sorte d'attitude Johnny Thunders. Et un nom propre qui est presque devenu un nom commun, et dont on aura bien du mal à donner une définition précise... Qui est en tout cas synonyme de "vrai" punk, de "vrai" esprit rock'n'roll (mais aussi de pur junkie...).


   "You Can't Put Your Arms Around A Memory" ...







                                                 Sex , Drugs & Rock'n'Roll...


                                           
                                         Ben & Céline Astruc, 7 décembre 2005-février 2006
                                         Too-Loose-City ...



                                                                    










 



    A noter pour les plus grands fans & en particulier pour celle qui nous l'a si gentiment demandé, voici les coordonnées du -hélas !- seul bouquin entièrement consacré à Johnny Thunders :

   "JOHNNY THUNDERS ... In Cold Blood" par Nina Antonia (on peut largement lui faire confiance pour les infos qu'elle rapporte ici, puisqu'elle fut une des plus proches et fidèles amies que Thunders aura eu dans sa vie...);
  à noter toutefois que cet excellent essai rock'n'roll n'existe que dans sa version originale, c'est-à-dire en anglais...;
  on ne le trouvera donc que PAR MIRACLE en France, il faut par conséquent le commander, le mieux à faire est de s'adresser à des boutiques de livres anglophones, ça ira toujours plus vite que par le biais des disquaires et autres magasins rock'n'roll...;
  quant à la la Fnac ou Virgin, ce n'est même pas la peine d'y penser : pour eux ce livre n'existe tout simplement pas !( Pour ça ou certains disques, voire carrément certains artistes, ils sont très forts, et ils ne veulent en aucun cas admettre que les articles dont leurs foutus ordinateurs ignorent l'existence puissent réellement exister...);
  en tout cas, voici les coordonnées exactes de ce fameux bouquin :
         
                                    Nina Antonia : "Johnny Thunders... In Cold Blood"
               "(the official biography of the ex New York Dolls and Heartbreakers guitarist)"
                                            JUNGLE BOOKS / CHERRY RED BOOKS
                  (première publication en 1987; réédité en 2000 pour la présente édition)

   Normalement, le bouquin est livré sous plastique scellé avec un CD-10 titres contenant des mixages inédits de certains morceaux de "LAMF" et de "Que Sera Sera", deux morceaux live et un interview de 1984...

   Bon courage à tous pour réussir à le dénicher ! J'espère d'ailleurs qu'il n'est pas épuisé (ce n'était pas encore le cas il y a trois ans, alors ESPOIR !)...

   Quant aux quelques occasions de voir l'ami Thunders & ses comparses en pleine action, le problème est là-encore épineux... Voici donc, non pas quelques uns, mais -hélas!- la quasi totalité de la filmographie (musicale) concernant Monsieur Thunders :

   1) Johnny Thunders :  "LIVE IN NEW YORK CITY, 1982" ; disponible (en import du Canada chez Cult DVD / DVD Video, 2002) sous le titre de "JOHNNY THUNDERS LIVE IN COLD BLOOD". Un live assez étonnant, mais très court (trente minutes !), Thunders a un peu de mal à tenir debout et à se souvenir des paroles de certaines chansons, mais l'ensemble, soutenu par la présence à la guitare solo et au chant de Walter Lure tient finalement la route. Un bon moment, mais hélas assez dur à trouver...

   2) Johnny Thunders & the original Heartbreakers : "DEAD OR ALIVE", paru en 1985 chez JUNGLE, et réédité plusieurs fois depuis, toujours chez JUNGLE. Une édition DVD existe mais reste difficile à trouver (comme d'ailleurs les VHS d'origine...). Il s'agit d'un des excellentissimes shows de mars 84 que les Heartbreakers au grand complet ont donné à London-Town. Sans doute est-ce là un des tout meilleurs concerts de Thunders, toutes périodes confondues ! Le film est augmenté d'une petite poignée de morceaux acoustiques enregistrés en studio à l'été suivant, et d'une déconcertante scène de long-métrage tournée dans un bar parisien...
   Indispensable !

   3) Johnny Thunders / Arthur Kane / Jerry Nolan (accompagnés du guitariste Barry Jones) : "You Can't Put Your Arms Around A Memory" (MVD, DR-4456) : ou la dernière occasion de voir en public les trois ex-Dolls... Filmé (avec une seule caméra) le 4 janvier 1987 au Roxy de Los Angeles, certainement une des meilleures prestations live du gars Thunders, énergique, électrisante, presque décadente... en tout cas très punk ! Le show est présenté en intégralité (1h30), on y trouve donc la partie acoustique que Thunders assure seul à la guitare sèche, ainsi qu'un morceau inédit, "Baby What You Want Me To Do"... Indispensable à tout  afficionado de Thunders !
 

   4) "WHO'S BEEN TALKING ? Johnny Thunders In Concert ": désormais proposé en son Surround (par Secret Films, SECDVD109), il s'agit ici du dernier concert électrique de Thunders, filmé au Japon lors de son ultime tournée, moins de trois semaines avant sa mort... Le show est proposé dans son intégralité (1H40), il montre un Thunders usé dont les joues sont plus creuses que jamais, sa leucémie est en train de faire son oeuvre et notre antihéros a désormais du mal à supporter le poids de sa guitare, dont il ne joue d'ailleurs que très peu... La chanteuse Alison Gordy et le guitariste Steve Klasson ont droit à leurs propres parties de vocals. Un concert assez bon dans son ensemble mais qui souffre d'une sorte d'ambiance funêbre tant l'ami Thunders semble mal en point...

   5) On peut aussi retenir les quelques images du DVD-bonus du récent coffret 2 CD "DOWN TO KILL" (chez Jungle, FREUDCD084), qui contient des chutes de la tournée Heartbreakers de 84, quelques chansons en solo, en groupe ou en acoustique, et d'étonnantes images de l' "affaire" suédoise de 1982... Indispensable aussi, comme d'ailleurs les deux CD auquel ce DVD est joint...
  
                                           Sex, Drugs & Rock'n'Roll !                                  Ben, 18 Fevrier 2006

  



  

























Publié dans branleurs

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C
<br /> <br /> Le bonus de "Mona et moi" en version complète ici :<br /> <br /> <br /> http://shitshishit.blogspot.com/2011/09/johnny-thunders-live-au-gibus-23.html<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Cheers !<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> super complet, merci pour cet article et Bravo !<br /> <br /> <br /> <br />
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V
superbe article par contre dans la partie DVD tu oublie la sortie en DVD du film de Patrick grandperret Mona Et Moi où il tient le rôle principal filmé principalement en 84 avec en bonus des extraits d'un concert au Gibus en 84.  INDISPENSABLE.le lien vers la boite qui a sorti le DVD :http://www.malavidafilms.com/com/filmmodel.php4?ID=88&type=1
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K
merci pour ces nouvelles infos et surtout pour les photos qui sont superbes. Ca sent le mec passionné. Pourrais tu mettre des noms de bouquin sur Thunders je suis sur Montpellieret je n'arrive pas à en trouver merci encore et surtout continue (celui sur Keith aussi m'a beaucoup plu, surtout la photo qui dit que le pape a déclaré qu'il était dieu. Au fait c'est du bluff ou il l'a vraiment dit? C'était quel pape ? JP2? Délire....
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K
Rarement vu quelqu'un d'aussi bien informé sur le sujet (surtout en France). J'espère que tu vas nous faire d'autres portraits bien sentis sur d'autres grandes icones rock . Bravo man, see you ...
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